Articuler planification et programme d’actions pour une efficacité accrue
C’est la démarche mise en place par deux syndicats du territoire Loire-Bretagne cohabitant sur le territoire de la baie du Mont Saint-Michel. Les deux allient coordination et concertation. Dans les deux cas, l’articulation entre le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) et les contrats territoriaux contribue à la réussite des actions. Grâce aux contrats territoriaux, chaque syndicat garde sa propre histoire et tous deux convergent ensemble vers un but commun : protéger la baie et préserver les milieux particuliers qui l’entourent.
De gauche à droite : Hubert Catroux (AELB) - Karine Havard (SBCDol) – Fabien Hyacinthe (SBCDol) – Nicolas Sourdin (SBC) – Sylvie Le Roy (SBC) - Patrick Luneau (AELB)
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Une synergie efficiente entre Sage et contrat territorial
Le syndicat du bassin du Couesnon (SBC) et le syndicat des bassins côtiers de la région de Dol-de-Bretagne (SBCDol) ont, chacun, su mettre en place une synergie efficiente entre le Sage et leur contrat territorial. En effet, chacun porte sur son périmètre d’intervention le volet planification au travers du Sage et le volet opérationnel en coordonnant un contrat territorial. En plus de contribuer à la réussite des actions, la complémentarité des missions entre Sage et contrat territorial simplifie notamment la communication et la concertation avec les riverains, les agriculteurs et les usagers de l’eau.
M. Joseph Boivent, président du Syndicat du Couesnon et maire de La Bazouge-du-Désert :
« On ne les perd pas dans un millefeuille de périmètres d’interventions et d’interlocuteurs techniques »
4 Sage agissent pour préserver la baie du Mont Saint-Michel :
- deux en Loire-Bretagne : le Sage des bassins côtiers de Dol-de-Bretagne et le Sage Couesnon ;
- deux autres sur le territoire de l’agence de l’eau Seine-Normandie : le Sage de la Sélune et de la Sée, et le Sage côtiers Grandvillais.
Les 4 Sage de la baie du Mont Saint-Michel
© Syndicat du bassin versant du Couesnon
D’une superficie de 1 130 km² pour 90 000 habitants, le bassin versant du Couesnon est divisé en trois sous-bassins versants : le Haut Couesnon, la Loisance Minette et le Couesnon Aval.
La coordination des actions et des acteurs : zoom sur le contrat territorial du Couesnon
Signé en 2023, le passage à un contrat territorial unique avec l’ensemble des porteurs de projets historiques permet :
- de mieux appréhender et partager les problématiques du territoire ;
- de soutenir des actions plus ambitieuses et de renforcer les équipes d’animation (22 équivalents temps plein, soit une augmentation de 40 % par rapport à la situation dans les précédents contrats territoriaux).
De nombreux acteurs du territoire (agricoles, collectivités…) sont maîtres d’ouvrage et contribuent à la réalisation du programme d’actions du nouveau contrat. Le syndicat du bassin versant du Couesnon, porteur de cette démarche territoriale, invite les maîtres d’ouvrages à être parties prenantes dans la construction du contrat territorial. Ils souhaitent les « faire passer d’une démarche de prestation à une démarche de partenariat ».
Sylvie Le Roy, directrice du Syndicat du Bassin du Couesnon et coordinatrice du Sage Couesnon :
« Cela nécessite un travail de coordination régulier et la mise en place d’outils de partage notamment sur les actions menées qui contribuent à créer une émulation entre les maitres d’ouvrage »
Le bassin du Couesnon et ses trois sous-bassins
© Syndicat du bassin versant du Couesnon
Des premiers résultats encourageants
Les nitrates sont une des problématiques du territoire. Les actions mises en œuvre grâce au contrat territorial permettent de constater des progrès. Ainsi, au début de la mise en place du Sage, les percentiles 90 des 2 masses d’eau les plus contaminées de notre bassin versant frôlaient les 70 mg / litre, elles sont descendues en dessous de 60mg/l. Aujourd’hui, il reste 4 ou 5 masses d’eau superficielles sur 19 au-dessus de 50 mg/l.
Sylvie Le Roy souligne :
« On n’a plus les pics de 70 mg / litre que l'on avait au tout début. »
Allier agriculture et protection du milieu : un exemple d’action sur le bassin du Couesnon
Le cours d’eau traversant la ferme était busé sur plusieurs dizaines de mètres, provoquant des inondations et des effondrements. Il a été réaménagé : recharge granulométrique, reméandrage, plantation.
À la suite du démantèlement de la buse, l’eau est venue en résurgence. Une mare a alors été créée, en accord avec l’agriculteur. Cette mare collecte également les eaux pluviales et de ruissellement. Elle permet de faire décanter l’eau avant qu’elle ne rejoigne le cours d’eau. Cette mare constitue aussi un réservoir de biodiversité : grenouilles et libellules y sont observées.
Travaux réalisés sur le cours d’eau au sein de l’exploitation agricole
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Travaux réalisés sur le cours d’eau au sein de l’exploitation agricole
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Jean Desloges – Jonathan Boulvais et son fils – Nicolas Sourdin – Sylvie Le Roy – Patrick Luneau (AELB)
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Jonathan Boulvais, éleveur, est tout aussi attentif aux milieux qu’il l’est à ses animaux, pleinement conscient du lien évident entre le bien-être animal et le bien-être environnemental. C’est une réflexion sur le long terme qui a poussé Jonathan Boulvais non issu du milieu agricole à reprendre une exploitation agricole il y a quelques années. Il a sacrifié 25 hectares de sa ferme afin que celle-ci, d’une surface de 56 hectares, reste accessible « sans tracteur sur la route ». La conversion en agriculture biologique a été une évidence, tout comme l’a été le choix de la race jersiaise, bien adaptée au pâturage en zone humide, pour son cheptel de 45 vaches laitières. Les vaches sont à l’extérieur 360 jours par an, en prairie, avec du semis de chicoré et de plantain, faisant office de vermifuge. Les parcelles de pâture sont entourées d’arbres protégeant les vaches et servant également de perchoirs pour les rapaces, prédateurs des rongeurs destructeurs de ses prairies.
La concertation pour s’adapter aux évolutions du territoire : zoom sur le contrat territorial des bassins côtiers de Dol-de-Bretagne
Fabien Hyacinthe, technicien rivières du syndicat des bassins côtiers de la région de Dol-de-Bretagne et animateur du contrat territorial :
« Sur ce territoire très dynamique, il faut faire de la conciliation. Il est essentiel d’allier restauration du milieu et besoins des professionnels de la terre et de la mer, de gérer la ressource en eau. L’échelle du Sage est pertinente pour mener la concertation et la conciliation. Ainsi les gens ont les mêmes interlocuteurs, ils ont toujours quelqu’un pour répondre à leurs interrogations et trouver des solutions partagées »
Hubert Catroux (AELB) - Karine Havard, Fabien Hyacinthe, Christelle Brosselier (syndicat des bassins côtiers de Dol-de-Bretagne)
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Restaurer des zones humides aux fonctions multiples
Sur le territoire, la préservation des zones humides et tourbières est nécessaire pour retrouver un fonctionnement des milieux naturels et des services qu'ils offrent. L’objectif du site est de redonner toutes ses capacités épuratrices à cette tourbière et de permettre un ennoiement des parties basses en hiver. En mars et avril, la tourbière relâche ensuite son eau vers la baie, à l’instar de ce qui existait avant les grands travaux effectués il y a plus de 1000 ans par les évêques. Idéal pour les agriculteurs qui vont pouvoir utiliser les terrains dénoyés, ainsi que pour les conchyliculteurs, car c’est à cette période que les moules ont besoin d’eau chargée en nutriments pour grossir. Une partie de la tourbière (380 ha) a été acquise par la Fédération des chasseurs d’Ille-et-Vilaine pour en restaurer le fonctionnement.
Fabien Hyacinthe précise :
« Pour eux, c’est un point de relais entre lieu de nidification pour certaines espèces et halte migratoire pour d’autres. »
Pour les travaux de restauration du cours d'eau, la fédération des chasseurs a donné carte blanche au syndicat. Des interrogations concernant l’acceptabilité se posent.
Fabien Hyacinthe ajoute :
« Quand on fait les travaux en été, c’est bien accepté. Mais quand vient l’ennoiement en hiver, cela suscite parfois des inquiétudes. »
Mais il se veut rassurant et communique sur les bienfaits des tourbières, pour le milieu naturel comme pour la ressource en eau.
Travaux réalisés sur le cours d’eau au sein de la tourbière
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
Travaux réalisés sur le cours d’eau au sein de la tourbière
© Agence de l'eau Loire-Bretagne
La disponibilité de la ressource au cœur des échanges
La tendance est à l’expansion démographique et au développement du tourisme en Bretagne. De fait, l’eau potable est au cœur des discussions et des préoccupations. Certaines communes voient leur population multiplier par trois pendant la période estivale et la demande en eau potable dépassera bientôt les capacités du territoire.
Christelle Brosselier, maire de la commune de Mesnil Roc'h et vice-présidente du syndicat des bassins côtiers de la région de Dol-de-Bretagne, s'interroge :
« On commence à voir s’installer ici des personnes originaires du sud qui souffrent de la chaleur en été. Il y aura de plus en plus de monde à venir sur le territoire mais aura-t-on de l’eau pour tout le monde ? »
Le territoire des bassins côtiers de la région de Dol-de-Bretagne
© Le syndicat des bassins côtiers de la région de Dol-de-Bretagne