Valoriser le pâturage pour garantir une eau potable de qualité sur l’aire d’alimentation Colmont (Mayenne)

Un partenariat inédit rassemble un collectif d’agriculteurs, une structure spécialisée en conseil en pâturage et un syndicat d’eau autour d’un projet stratégique pour la qualité de l’eau potable. Cette initiative combine approche technique pointue et dynamique économique, mêlant accompagnement collectif et individuel.

Le syndicat d’eau nord-ouest mayennais (Senom) lance en 2020 une initiative ambitieuse visant à promouvoir et développer le pâturage sur l’aire d’alimentation du captage de la Colmont amont. Ce projet s’inscrit sur une durée de 3 ans pour un budget global de 45 000 euros.

photo de pâturage

© agence de l'eau Loire-Bretagne

Renouveler l’intérêt pour le pâturage

Autrefois ancré dans les pratiques agricoles locales, le pâturage souffrait d’un fort recul, avec un désintérêt croissant et un déclin des surfaces en herbe dans le territoire autour du cours d’eau la Colmont. Ce recul impactait non seulement la gestion durable des terres agricoles mais aussi la qualité de la ressource en eau. Objectif : relancer une culture du pâturage dynamique et adaptée, avec plusieurs objectifs :

  • Renforcer la présence et la qualité des prairies pâturées sur l’aire d’alimentation de captage,
  • Réconcilier les agriculteurs avec cette pratique grâce à des méthodes modernes et personnalisées,
  • Contribuer indirectement à la préservation de la ressource en eau en favorisant des pratiques agroécologiques plus vertueuses.

Animations pour le changement de pratiques agricoles favorables à la ressource en eau

Vidéo - Animations pour le changement de pratiques agricoles favorables à la ressource en eau

© Une image à part / Agence de l'eau Loire-Bretagne

Des animations pour le changement de pratiques agricoles favorables à la ressource sur une aire d’alimentation de captages prioritaires
SENOM - Syndicat d’Eau du Nord-Ouest Mayennais

Étienne Briot – Agriculteur - Désertines (Mayenne) :
« On est au milieu d’une parcelle d'herbe et les vaches pâturent toute la journée. Elles sont presque en 100 % herbe aujourd’hui. J'ai 3 kilomètres de rivières sur ma ferme. Le pâturage, ça me permet de préserver la ressource en eau. »

Voix Off
Dans les prés d’Étienne - 36 ans, agriculteur mayennais, les 110 vaches laitières du troupeau pâturent désormais presque toute l’année.

Étienne Briot – Agriculteur - Désertines (Mayenne)
« J'ai 32 paddocks sur ma ferme,  ils font 1 hectare 40. Ça correspond aux besoins de 110 vaches pour une journée. Ça permet de tourner rapidement et de ne pas dégrader la flore des prairies. »

Voix Off
Le Nord-Ouest de la Mayenne est historiquement un territoire de polyculture, d’élevage, de production laitière. Étienne a lâché  les grandes cultures pour 50 hectares de pâturage. Ce changement de pratique agricole a été impulsé en 2017 par Valérie, ingénieure agricole, au SENOM, et Guillaume, un expert en pâturage.

Guillaume Baloche - Responsable PâtureSens
« On accompagne les éleveurs, à mieux valoriser leurs prairies au travers de formations, de conseils. Techniquement, on travaille moins le sol, donc on a moins de fuites de nitrates. Ils font moins de maïs, moins de cultures, parce qu'ils en ont moins besoin. »

Étienne Briot – Agriculteur - Désertines (Mayenne)
« J'ai moins de concentrés, des fourrages qui sont moins onéreux, de bien meilleures marges aux 1 000 litres de lait produits. »

Corinne Morel  - Chargée d'interventions - Agence de l’eau Loire-Bretagne
« Ça permet d'éviter l'érosion des sols, moins d'utilisation de produits phytosanitaires. »

Valérie Cornu - Responsable de la protection de la ressource / Syndicat d’Eau du Nord-Ouest Mayennais
« Nous sommes producteurs d’eau. Notre métier, c'est de faire de l'eau potable. On est sur des enjeux nitrates, ça a un lien direct avec les pratiques agricoles, pour nous, c'est une évidence, il faut travailler avec les agriculteurs pour voir comment on peut aller vers un objectif commun. »

Voix Off
L’objectif commun, dans cette zone de captages prioritaires, c’est l’amélioration de la qualité de l’eau, parce qu’il y a moins de 10 kms entre la ferme et l’usine de production d’eau potable, alimentée par la rivière la Colmont.

Valérie Cornu - Responsable de la protection de la ressource / Syndicat d’Eau du Nord-Ouest Mayennais
« C'est ici qu'on va mesurer l'ensemble des efforts que font les agriculteurs en amont, au niveau de cette prise d'eau. On ne dépasse plus les 50 mg/L. Et là c’est du concret. On est vraiment sur une courbe descendante des teneurs en nitrates, donc c'est vraiment une grande satisfaction pour nous. »

Corinne Morel  - Chargée d'interventions - Agence de l’eau Loire-Bretagne
« Les captages prioritaires sont inscrits dans nos priorités du 12ème programme. C'est primordial au niveau environnemental mais c'est aussi prioritaire par rapport à la distribution, à la consommation des habitants. »

Jean-Paul Gahery - Vice-président, chargé de la Qualité des eaux / Syndicat d’Eau du Nord-Ouest Mayennais
« Aujourd'hui, les taux de nitrates ont bien baissé. Donc, forcément, le coût du traitement va être moins élevé. On va mener d'autres actions, notamment par rapport aux matières en suspension, aux pesticides. Les enjeux sont également très forts. Sans l’agence de l'eau, on n’aurait sans doute pas embauché une animatrice bassin versant. Si on veut mener des actions auprès des agriculteurs, il nous faut absolument quelqu'un sur le terrain en permanence pour apporter de nouvelles techniques pour préserver l’eau. »

Voix Off
Alors, pour convaincre plus d’agriculteurs : l’accompagnement individuel se poursuit, des réunions publiques sont organisées.
30 éleveurs ont créé leur réseau et sont embarqués dans ces actions de développement du pâturage .

Guillaume Baloche - Responsable PâtureSens
« 4 fois par an, on se voit pour faire le point : où ils en sont sur leur pâturage et en même temps leur proposer des solutions pour améliorer leurs performances sur la production au pâturage. C'est hyper important qu'ils puissent communiquer les uns avec les autres. Mon rôle, c'est de leur apporter un petit plus pour que le prochain obstacle, ils l’abordent mieux, de manière à ce qu'ils aient de meilleurs résultats. »

Christophe Mongodin – Agriculteur - Colombier-du-Plessis (Mayenne)
« Dans un premier temps, les réunions étaient indispensables pour se former, pour apprendre à maîtriser le pâturage dynamique. Et maintenant, c'est plutôt un partage d'expériences, l'objectif c'est d'optimiser le pâturage pour diminuer mon coût de production et pour respecter l'environnement. »

Guillaume Baloche - Responsable PâtureSens
« Si on peut faire gagner les éleveurs et la collectivité par la qualité de l'eau, on va y arriver. »

Voix Off
Coût  global de l’action, sur 3 ans : 45 000 euros, financée à 50 % par l’Agence de l’eau Loire Bretagne.

Corinne Morel  - Chargée d'interventions - Agence de l’eau Loire-Bretagne
« Cette action, elle est vraiment porteuse, on peut la dupliquer sur d'autres territoires, convaincre d'autres agriculteurs. »

Guillaume Baloche - Responsable PâtureSens
« Les surfaces en herbe progressent, les résultats générés d'un point de vue économique, humain, sont vraiment très bons. Certains éleveurs sont plus épanouis. »

Valérie Cornu - Responsable de la protection de la ressourceSyndicat d’Eau du Nord-Ouest Mayennais
Il faut persévérer et inscrire ces actions-là dans la durée. »

Étienne Briot – Agriculteur - Désertines (Mayenne)
« Préserver l'environnement le plus possible, ce sont des choses qui sont importantes pour moi. Mes enfants adorent travailler avec moi et je pense que je leur transmets de bonnes valeurs à travailler comme ça. Et à mon avis, ils prendront la suite. J’en suis presque certain. »

Une démarche tripartite et complémentaire

réunion d'agriculteurs dans le cadre de changement de pratiques agricoles

© agence de l'eau Loire-Bretagne

Le projet s’est construit autour d’un partenariat solide entre trois acteurs clés :

  • Le syndicat d’eau SENOM, porteur du projet et coordinateur de l’action,
  • Un collectif d’agriculteurs locaux : 20 exploitants engagés,
  • Le cabinet de conseil en pâturage PâtureSens, expert technique pour un accompagnement sur-mesure.

Cette alliance a permis de conjuguer l’expertise technique, l’expérience de terrain et l’intérêt économique, tout en réunissant les agriculteurs dans une dynamique collective forte.

Une action en quatre axes, pensée pour durer

1- Lancement de la dynamique par l’expérience terrain

Le projet débute par une étude économique portant sur la performance de six exploitations locales. Suite à cette analyse, deux vidéos présentant les témoignages d’agriculteurs sont réalisées pour illustrer concrètement les bénéfices du projet. Ces supports se révèlent essentiels pour encourager l’adhésion et mobiliser plus largement.

2- Accompagnement individuel sur-mesure

Une vingtaine d’agriculteurs bénéficient d’un suivi personnalisé pour adapter le pâturage tournant dynamique à la spécificité de leur exploitation. Cela comprenait des analyses de sols, un diagnostic de la flore locale, et un agencement parcellaire réfléchi pour optimiser la valorisation de l’herbe.

3- Innovation avec des essais agronomiques

Un essai de « mélanges d’été » est mis en place pour expérimenter des pâturages plus résistants et productifs durant la saison sèche, contribuant à la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques.

Guillaume Baloche, dirigeant de PâtureSens, consultant -formateur, spécialiste pâturage et production bovine :

photo portrait de Guillaume Baloche, dirigeant de PâtureSens

© agence de l'eau Loire-Bretagne

« Nous appelons « mélange d’été » une flore estivale productive, mélange composé d’espèces végétales aux fonctionnalités proches qui compense le manque de croissance et de qualité nutritive du mélange conventionnel en été. Ce mélange est principalement composé de légumineuses, 60% de cœur de la prairie, de 20% de plantain et chicorée, ainsi que 20% de graminées. La proportion de chacune des espèces reste dépendante des conditions pédoclimatiques des parcelles d’implantation. »

4- Partage et échanges collectifs

Deux événements collectifs ponctuent le projet : une soirée thématique en janvier 2023 regroupant environ 50 participants, avec un riche moment d’échanges techniques et conviviaux, et une journée de retour d’expériences sur le terrain, pour renforcer la cohésion et la transmission de pratiques.

Corinne Morel, chargée d’interventions milieux aquatiques à la délégation Maine Loire Océan de l’agence de l’eau :

photo portrait de Corinne Morel, chargée d’interventions - délégation Maine Loire Océan

© agence de l'eau Loire-Bretagne

« Le fort déclin des surfaces en herbes, associé à la nécessité de préserver la qualité de l’eau, a conduit le SENOM à s’interroger sur la stratégie à mettre en œuvre pour impulser une dynamique agricole pérenne sur son territoire. L’objectif était de développer une stratégie de concertation et d’échanges entre agriculteurs et partenaires techniques, qui prenne en compte les enjeux et besoins de chacun.

Parallèlement, une politique de communication a été déployée pour valoriser les actions engagées et sensibiliser un maximum d’agriculteurs, notamment grâce à des témoignages et des rencontres. Cette initiative peut servir de modèle à d’autres territoires confrontés au déclin de l’élevage et ouvrir des pistes concrètes pour préserver la qualité de la ressource en eau. »

Résultats : une dynamique collective insufflée, des agriculteurs conquis et une ressource préservée

Cette approche combinée porte ses fruits :

  • Une nouvelle culture du pâturage s’est installée, portée par un réseau d’agriculteurs motivés et solidaires,
  • L’optimisation des surfaces en herbe est visible à travers des aménagements parcellaires mieux réfléchis,
  • Les agriculteurs poursuivent leur suivi individuel avec le cabinet conseil, tout en participant aux rendez-vous collectifs annuels,
  • Le projet a renforcé l’équilibre entre production agricole et préservation des ressources naturelles, clé pour un territoire durable.

Perspectives : conjuguer collectif et individuel pour pérenniser la démarche

Aujourd’hui, après trois ans d’accompagnement intensif, la priorité est donnée aux temps collectifs. Cette évolution s’appuie sur la maturité acquise par le groupe d’agriculteurs, qui poursuit de façon autonome leurs pratiques avec le soutien technique individualisé de PâtureSens. Le syndicat maintient son engagement en animant ces rendez-vous saisonniers "Rendez-vous au fil des saison" dans le cadre du contrat 2023-2025.

Cette organisation hybride — conjuguer dynamique collective et accompagnement personnalisé — s’avère un levier puissant pour faire évoluer durablement les pratiques agricoles, avec la qualité de l’eau et la performance économique au cœur des préoccupations.

Valérie Cornu, Responsable de la protection de la ressource au Senom :

photo portrait de Valérie Cornu, Responsable de la protection de la ressource au Senom

© agence de l'eau Loire-Bretagne

« L’objectif initial était de lancer une véritable dynamique et d’impliquer les agriculteurs dans une nouvelle manière d’aborder le pâturage. La grande motivation des agriculteurs très impliqués a créé un véritable réseau.

Après trois années d’accompagnement individualisé, la collectivité oriente désormais son action vers des temps collectifs, tandis que les agriculteurs poursuivent leur suivi personnalisé avec le cabinet conseil.

Le message clé reste clair : conjuguer l’action collective et le suivi individuel, s’appuyer sur les besoins réels des agriculteurs, et mobiliser les compétences techniques où qu’elles se trouvent, qu’elles proviennent d’une structure publique ou privée, tant que les agriculteurs s’y reconnaissent et que les objectifs sont atteints. »

En conclusion : un modèle inspirant pour les territoires ruraux

Ce projet du Senom et ses partenaires illustre parfaitement comment, par une approche intégrée axée sur l’écoute des acteurs locaux et l’appui technique ciblé, il est possible de redonner vie à des pratiques agricoles anciennes tout en répondant aux défis contemporains.

Valérie Cornu, Responsable de la protection de la ressource au Senom :

« La dynamique autour du pâturage sur l’aire d’alimentation de captage de la Colmont n’est pas seulement un succès technique ou économique : c’est une aventure collective qui crée du lien, valorise les savoir-faire et prépare un avenir agricole et environnemental plus durable. »

Une belle inspiration pour d’autres territoires en quête d’équilibre entre production et ressources naturelles.

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