Quand la restauration d’un marais façonne la gestion durable de l’eau sur l’île : l’exemple de Ster Vraz

Dans le Morbihan, la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer restaure le marais rétro-littoral de Ster Vraz, site emblématique de l’île. Située sur la commune de Sauzon, cette vaste zone humide s’inscrit au cœur des enjeux écologiques où se mêlent étroitement les besoins socio-économiques de l’île. Cette action de restauration s’inscrit donc plus globalement dans une démarche intégrée.

Le vallon de Ster Vraz, signifiant « Grande embouchure » en breton, est situé sur la commune de Sauzon, au nord-ouest de Belle-Île-en-Mer. Il abrite la plus vaste et la plus connue des zones humides de l’île, formant un véritable refuge naturel à l’interface entre milieux terrestres et marins. Cet espace peu accessible à l’homme héberge de nombreuses espèces remarquables telles que l’anguille, le busard des roseaux, la chouette chevêche et la chouette effraie. Le vallon accueille également une importante roselière, des prairies humides et plusieurs petits étangs d’eau douce entourés de falaises et de lande.

Restauration écologique du marais rétro-littoral de Ster-Vraz à Belle-Île-en-Mer (Morbihan)

Vidéo - Restauration écologique du marais rétro-littoral de Ster-Vraz à Belle-Île-en-Mer (Morbihan)

Dans le Morbihan, la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer restaure le marais rétro-littoral de Ster Vraz, site emblématique de l’île. Située sur la commune de Sauzon, cette vaste zone humide s’inscrit au cœur des enjeux écologiques où se mêlent étroitement les besoins socio-économiques de l’île. Cette action de restauration s’inscrit donc plus globalement dans une démarche intégrée.

septembre 2025

© Agence de l'eau Loire-Bretagne / Une image à part

Restauration écologique du marais rétro-littoral de Ster-Vraz - Communauté de communes de Belle-Île-en-Mer

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes - Belle-Île-en-Mer

« Donc là, on est vraiment dans le paysage qu'on a restauré. On voit vraiment cette enfilade avec ce plateau entrecoupé par des vallons. Et puis la zone humide du coup se déroule ici. »

Voix Off

Au large de Quiberon, Belle-Île-en-Mer. 4 communes, 5 500 habitants toute l'année et des milliers de touristes aux beaux jours. Sur ce territoire encore rural de 85 km², il n'y a pas de nappes phréatiques. Seule l'eau de ruissellement est récupérée. Elle alimente les 3 barrages de l'île, avant d'être potabilisée.

Dominique Rousselot – Vice-président - Espaces naturels et agriculture Communauté de communes - Belle-Île-en-Mer

« Ce n’est que l’eau de pluie que nous récupérons. Donc, les étés secs, on fait très attention, on est très vigilant à la consommation de l'eau. »

Voix Off

Dans ce contexte, la préservation des zones humides est essentielle, notamment le long des cours d'eau d'accumulation du ruissellement et en fond de vallon. Entre terre et mer, dans cette zone historique d'élevage, jusqu'en 2020, les saules ont proliféré au détriment d'eaux libres et de roseaux.

Eloi Portugal - Ancien agriculteur - Logonnet (56)

« Et ici, c'était du foin. Il y avait une repousse qui était très intéressante, donc on amenait les brebis là, bien à l'abri des saules. »

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes - Belle-Île-en-Mer

« Sur l'île, tous les vallons se sont refermés depuis les 50 dernières années. À mesure qu'on a trouvé une déprise agricole de par la mécanisation, les fonds de vallons ont été un peu abandonnés. Les saules et les saulaies ont pris la place, ce qu'on avait là au moment où on a commencé le chantier. »

Voix Off

Après les études scientifiques, les analyses du terrain, le chantier a donc débuté en 2020. 5 ans de travaux pour la restauration paysagère et écologique du marais rétro-littoral de Ster-Vraz,
propriété du Conservatoire du littoral.

Antoine Le Gal - Garde du littoral  - Communauté de communes - Belle-Île-en-Mer

« On a commencé, de suite, à abattre, arracher des saules pour faire de la place en fait. Dans un second temps, le développement de trous en eaux, le faucardage, la coupe des roseaux, pour garder les milieux en eau, éviter qu'ils se referment ou carrément la recréation de zones en eau. »

Voix Off

3 000 heures de travail pour Antoine et son équipe, 15 gardes du littoral, tous employés de la Communauté de communes de Belle-Île.

Hubert Catroux - Chargé de mission - Agence de l’eau Loire-Bretagne

« Depuis la fin des travaux, on voit bien que les objectifs ont été atteints avec une grande roselière et une belle diversité d'habitats favorables à la biodiversité. Là, on est au cœur de la roselière avec la plante caractéristique : le roseau phragmite. On a augmenté de 15 000 m² les habitats roselière. On a beaucoup plus d'oiseaux que précédemment. »

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes – Belle-Île-en-Mer

« Dans la descente et la montée migratoire, on va trouver pas mal d’oiseaux qui viennent mettre un point d'étape ici. »

Hubert Catroux - Chargé de mission - Agence de l’eau Loire-Bretagne

« En période de tempête, on a de l'eau salée qui rentre. Et à l'inverse, en période normale, on a des accumulations d'eau douce.Tout ça crée des conditions très particulières permettant à certaines espèces rares de pouvoir trouver leurs exigences de vie. »

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes – Belle-Île-en-Mer

« Ce site, il est en connexion avec le territoire qui l'entoure, avec les usagers qui l'entourent. »

Voix Off

Et notamment le parcours de golf, juste au-dessus du vallon. C'est l'eau de la zone humide qui alimente le bassin destiné à son arrosage, au cœur d'une zone Natura 2000.

Sophie Lemarié - Responsable projet bassin - Golf de Belle-Île-en-Mer

« En 2017, accompagné par l'agence de l'eau, on a créé un bassin de rétention d'eau de 3 500 m³ qui nous permet de pomper l'eau du marais, à des périodes où le marais n'est pas fragilisé dans l'hiver.

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes – Belle-Île-en-Mer

« Sur la période de sensibilité écologique, le golf fonctionne avec son bassin, sans venir perturber le fonctionnement du marais. »

Voix Off

100 000 euros, c'est le coût total de la restauration du marais rétro-littoral de Ster-Vraz.

Hubert Catroux - Chargé de mission - Agence de l’eau Loire-Bretagne

« L’agence a accompagné l'opération à hauteur de 70 % dans le cadre de cet appel à initiatives. »

Dominique Rousselot – Vice-président - Espaces naturels et agriculture Communauté de communes - Belle-Île-en-Mer

« C'est un projet d'aménagement du territoire. Ça permet d'avoir une nature qui reprend ses droits. C'est un site classé, plus que jamais un lieu de visite. »

Hubert Catroux - Chargé de mission - Agence de l’eau Loire-Bretagne

« Ces milieux-là sont intéressants parce qu'ils contribuent directement au bon état écologique des masses d'eau littorales auxquelles ils sont associés. Et puis, on a aussi un rôle de barrière protectrice qui atténue l'effet des submersions marines. »

Voix Off

Aujourd’hui, c’est la plus grande zone humide de Belle-Île. La Communauté de communes, qui entretient le marais restauré, a déjà identifié 4 autres sites pour de nouvelles restaurations.

Julien Froger - Responsable Espaces naturels - Communauté de communes – Belle-Île-en-Mer

« On a 20 espèces par prairie. La moyenne bretonne, c'est 11, 12. Donc on est sur des enjeux écologiques très forts. Il faut continuer l'effort pour la responsabilité écologique que le territoire a,  vis-à-vis du patrimoine écologique national, pour l'importance de préserver ces paysages auxquels les insulaires tiennent énormément, et fondent aussi l'attractivité touristique du territoire. »

De l’activité agricole à la fermeture du milieu : évolution des usages et enjeux écologiques

Jusqu’aux années 1960, le fond du vallon était régulièrement pâturé et fauché. L’abandon de ces pratiques traditionnelles dans ce secteur humide difficilement mécanisable a favorisé le développement de roselières, puis d’une saulaie dense, réduisant progressivement les zones d'eaux libres, condition essentielle à la diversité écologique du site.

Précipitation du processus d’atterrissement

Depuis une trentaine d’années, l’enfrichement du marais par les saules s’est accentué, accentuant le phénomène d’atterrissement (accumulation de terre), provoquant le comblement progressif du marais ainsi qu’une forte diminution des surfaces en eau et de la biodiversité associée. Sans intervention, cet espace humide serait devenu un simple bois de saules, bien moins riche écologiquement.

Mobilisation pour la restauration du marais, site identifié comme prioritaire

marais de Ster Vraz à Belle-Ile-En-Mer

© CPIE de Belle-Ile-En-Mer

Consciente de l’importance écologique et patrimoniale du site, la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer, avec l’appui de l’agence de l’eau et de l’association des Îles du Ponant, initie en 2016 un diagnostic des zones humides de l’île. Le site de Ster Vraz est alors identifié comme prioritaire pour ses enjeux majeurs en matière de biodiversité et de qualité des eaux de ruissellement grâce à son rôle épuratoire.

Objectifs fixés pour le marais

Face à la dégradation, plusieurs objectifs principaux sont définis :

  • Rouvrir les milieux humides encombrés pour restaurer la biodiversité.
  • Rétablir les fonctions épuratoires naturelles pour améliorer la qualité des eaux de ruissellement.
  • Restaurer les prairies humides et permettre la réouverture des fonds de vallon pour favoriser le retour d’une activité agricole durable.
  • Rétablir le paysage à son état conforme tel qu’observé lors du classement de Belle-Île-en-Mer en 1976, selon la loi 1930.

2016-2023 : une période clé pour la renaissance du marais de Ster Vraz

Les travaux portent principalement sur l’abattage des saules qui colonisent le marais et les prairies adjacentes, et sont menés par les services naturels de la Communauté de communes, appuyés par les gardes du littoral et un chantier d’insertion professionnelle. Une coupe à blanc des saules est réalisée au pic d’étiage pour assurer la submersion et la dévitalisation des souches lors de la montée des eaux hivernales. Les souches sont ensuite percées et traitées au sel pour éviter toute repousse. L’agence de l’eau Loire-Bretagne et le département du Morbihan financent ces opérations à hauteur de 11 000 euros. En 2020, les interventions se poursuivent dans le cadre de l’appel à projets « Biodiversité marine » de l’agence de l’eau, avec un budget d’environ 63 500 euros.

photos des travaux sur le marais de Ster Vraz : avant et après

© Communauté de communes de Belle-Île-en-Mer

Julien Froger

photo portrait de Julien Froger, Communaté de communes de BelleÎle-en-Mer

© Une image à part

Julien Froger, directeur général adjoint et responsable des espaces naturels à la communauté de communes de Belle-île-en-Mer :

« La réalisation des travaux a été grandement facilitée par le rachat en 2020 du marais par le Conservatoire du littoral. Ce projet met aussi en évidence la particularité de l’organisation de chantiers en espaces naturels sur l’île, privilégiée en régie du fait des surcoûts importants, qui a nécessité l’étalement des travaux sur plusieurs années, et du matériel spécifique. »

Hubert Catroux
photo portrait d'Hubert Catroux

© Une image à part

Hubert Catroux, chargé d’interventions spécialisé à la délégation Armorique de l’agence de l’eau :

« Le marais de Ster Vraz, unique marais rétro-littoral de l’île, est un milieu biologique rare dont le bon fonctionnement dépend de milieux ouverts et de sa connexion avec la mer. Cette opération témoigne de l’engagement de la communauté de communes dans la restauration des zones humides insulaires. Les travaux réalisés sur le marais amont ont aussi bénéficié aux habitats littoraux associés. En raison de la spécificité insulaire, l’opération a été conduite en régie, plutôt qu’en prestation. Cette organisation a également favorisé une implication technique locale et un renforcement des compétences des agents intercommunaux. »

Résultats et bénéfices écologiques

  • Recolonisation végétale : Plus de 15 000 m² de roselière restaurés depuis 2016. Les plantes semi-aquatiques (hélophytes) et la surface d’eau libre couvrent désormais 80 à 90% du marais.
  • Retour de l’eau et lutte contre l’atterrissement : Les surfaces d’eau libre ont triplé, passant de 2 500 m² en 2013 à près de 8 000 m², et la connexion écologique entre zones humides est rétablie. Le niveau d’eau et la période en eau ont augmenté.
  • Enrichissement de la biodiversité : Une recolonisation rapide par les oiseaux aquatiques est constatée, et la présence de civelles (jeunes anguilles) en 2023 confirme le potentiel du site pour les espèces protégées.
  • Paysages revalorisés : La vue depuis la route jusqu’à la mer et la réouverture de l’amont du vallon de Logonnet illustrent la restauration paysagère réussie.

Un enjeu central pour la gestion de la ressource en eau à Belle-Île-en-Mer

Barrage à Belle-Île-en-Mer

© CPIE Belle-Île-en-Mer

À Belle-Île-en-Mer, la ressource en eau potable provient exclusivement du ruissellement, recupérée en fonds de vallons par plusieurs retenues d’eau et captages. La restauration et la préservation de ces zones humides sont donc vitales pour le stockage et la qualité de l’eau destinée à l’alimentation des habitants, à l’assainissement, à l’irrigation agricole et à certains usages récréatifs.

Julien Froger, directeur général adjoint et responsable des espaces naturels à la communauté de communes de Belle-île-en-Mer :

« Le projet de restauration du marais de Ster Vraz, qui a constitué l’action emblématique de notre programme dédié aux milieux humides, a véritablement permis de redonner vie à un habitat rare et précieux dans ce contexte insulaire. Ce site revêt un rôle majeur pour la population d’anguilles européennes et, situé en lisière de l’Aire marine protégée, il contribue aussi au bon état écologique des habitats littoraux qui font la richesse de la biodiversité autour de Belle-Île.

Au-delà de la restauration du marais lui-même, ce projet a permis de prendre en main la question des zones humides sur l’île dans un contexte particulier de gestion de la ressource en eau pour laquelle ces milieux sont essentiels, et n’avaient jamais fait l’objet d’une politique structurée.

Mettre en valeur cette initiative, c’est aussi une formidable occasion de sensibiliser la population insulaire à la fragilité de ces milieux et à leur rôle fondamental dans le maintien de l’eau douce sur Belle-Île. »

Une démarche intégrée et multifonctionnelle

Le projet de Ster Vraz s’inscrit dans une perspective globale, articulant :

  • Restauration écologique : Renforcer les continuités écologiques naturelles, renforcer les fonctions épuratoires du marais, favoriser la biodiversité.
  • Valorisation du territoire insulaire : Contribution au paysage, attractivité touristique et maintien d’un patrimoine naturel vivant.
  • Gestion durable et intégrée de la ressource en eau : Protection d’un bassin versant vital pour l’autonomie hydrique de l’île, ses activités agricoles et récréatives.

Perspectives et nouvelles actions

Le projet Ster Vraz se prolongera par :

  • La poursuite des actions de gestion écologique : traitement des rémanents de saules, entretien des prairies humides.
  • L’étude d’autres interventions telles que la suppression des tamaris pour restaurer la dynamique naturelle entre estran et marais, en partenariat avec les gardes du littoral.
  • L’amélioration des connaissances sur la faune, notamment les populations d’anguilles.
  • La valorisation pédagogique du site via une signalétique adaptée et l’organisation d’animations à destination du public, en partenariat avec les gardes du littoral et notamment à l’occasion de la journée mondiale des zones humides.

Un modèle inspirant de restauration des zones humides

Ce projet constitue désormais une référence pour la gestion durable des milieux humides insulaires.

Julien Froger, directeur général adjoint et responsable des espaces naturels à la communauté de communes de Belle-île-en-mer :

« L’opération sur le marais de Ster Vraz illustre la capacité d’une mobilisation locale, soutenue par l’expertise technique et l’investissement financier, à transformer durablement un espace en déclin en véritable moteur écologique, hydrique et social. C’est une victoire collective pour Belle-Île-en-Mer, pour sa biodiversité, et pour la préservation de ses paysages, dont la qualité profite à l’ensemble des habitants et visiteurs. Une véritable inspiration pour la gestion durable des milieux humides à l’échelle insulaire et au-delà. »

Formé il y a environ 18 000 ans par l’érosion due au ruissellement des eaux douces alors que le niveau de la mer était bien plus bas, il a vu son paysage se modeler avec la montée progressive des eaux. La partie ouest, envahie par la mer devient une ria, repoussant la plage et son cordon dunaire. Ce barrage naturel a alors favorisé la formation d’un marais de Ster Vraz. Au XVIIe siècle, un mur militaire ferme la plage pour contrer d’éventuelles invasions anglaises. Le marais est alors remplacé par une prairie humide drainée et exploitée par les éleveurs locaux. Mais au début des années 1980, avec la disparition du mur, la dynamique naturelle reprend ses droits et le marais se reconstitue, permettant le développement d’une large roselière.

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Restaurer les zones humides
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