Effacement du barrage et de l'usine d'eau potable de Pont-Sal
Pour restaurer la continuité écologique du cours d’eau du Sal, le syndicat « Eau du Morbihan » efface le barrage et l’usine d’eau potable de Pont-Sal. Une opération de 420 000 euros de travaux qui porte ses fruits.
Situé sur la commune de Plougoumelen entre Vannes et Auray, dans le Morbihan, le barrage du Pont de Sal, haut de 7 mètres, créait une retenue de 8 hectares sur 1,2 kilomètre de long et un volume d’environ 200 000 m3. Construit en limite de marée, il constituait un obstacle à la continuité écologique pour l’ensemble du bassin versant du Sal.
La continuité écologique est assurée lorsque les poissons circulent librement et que le transport des sédiments se déroule bien dans la rivière. Elle peut être interrompue par des obstacles tels que les barrages. Dans de nombreuses rivières, elle est nécessaire pour atteindre le bon état des eaux.
Une retenue de faible capacité et une usine vétuste
La retenue de Pont-Sal et l’usine en aval alimentaient en eau potable le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de Vannes-Ouest. Dès 2003, il est envisagé d’arrêter son fonctionnement compte-tenu de la faible capacité de la retenue, de la qualité médiocre de l’eau en période estivale, de la vétusté de l’usine et de la possibilité d’alimentation en eau potable via les interconnexions. L’usine est arrêtée définitivement en 2012.
En 2014, Eau du Morbihan mène une étude pour décider de l’avenir du site : maintien ou effacement du barrage, en concertation avec un comité de pilotage. A la suite de cette étude, il acte en 2015 la démolition de l’usine et l’effacement du barrage dont il est propriétaire et se porte maître d’ouvrage.
Effacement du barrage et renaturation du site
© Arnaud Le Gal - Eau du Morbihan
Après une concertation commencée dès 2013, et des études de maîtrise d’œuvre en 2016, les travaux d'effacement et de renaturation sont réalisés de mai 2017 au printemps 2018.
Les études préliminaires permettent de dresser un diagnostic du milieu naturel et du bâti à démolir. En parallèle, l’avis des usagers et riverains sur le projet est recueilli. Un comité de pilotage et un comité technique réunissent les partenaires institutionnels, collectivités, associations et financeurs. La maîtrise d’œuvre est confiée aux bureaux d’études SCE et AD Ingé, et les travaux à la société Sotrama.
Les travaux commencent, avant la démolition du barrage, par la mise en place d’un dispositif pour contenir les sédiments à l’aval (deux barrages filtrants). Durant la phase sensible de vidange, en juin 2017, un protocole est mis en place, les paramètres de qualité de l’eau en aval sont suivis en continu et une pêche de sauvegarde est réalisée. Les travaux de démolition de l’usine et du barrage se déroulent durant l'été 2017, et la stabilisation des berges courant octobre 2017. L’aménagement final est terminé au printemps 2018.
Les coûts des travaux de démolition et de renaturation du site s’élèvent à 420 000 euros HT, et les études à 120 000 euros HT, comprenant les mesures de suivi et des actions de communication dont un site internet dédié au projet. Le projet est financé à 62,6 % par l’agence de l’eau Loire-Bretagne, 20 % par Eau du Morbihan et à 17,4 % par le département du Morbihan.
Lucile Tajan
© J. L Aubert - Aelb
« C’est un projet ambitieux et bien mené ! La rivière a retrouvé sa place dans la vallée. Le site est magnifique. Ce retour d’expérience doit pouvoir servir à faciliter d’autres travaux de ce type. Il est donc nécessaire de le mettre en avant au niveau du département mais aussi à une plus large échelle. »
Lucile Tajan, agence de l’eau Loire-Bretagne
Des résultats significatifs en faveur de la biodiversité
La continuité écologique du Sal est rétablie et des prairies humides sont restaurées. Le cours d’eau retrouve une dynamique dans la circulation d’eau et de sédiments et la faune et flore sont de retour.
Dès la première année l'indice d’abondance d’anguilles, en amont de l’emprise de la retenue, est presque quatre fois supérieur aux années précédentes. Il révèle ainsi l’impact passé du barrage malgré une passe à anguilles.
Lamproie marine (Petromyzon marinus)
© R. Sabatié INRA - CC BY NC SA
La présence de frayères de lamproies marines, une espèce classée en danger d’extinction, atteste d’une recolonisation par les poissons migrateurs. Des mulets, mais aussi des bars, viennent à nouveau grandir dans le Sal. Les poissons d’eau douce ne sont pas en reste avec un développement de la population de truites.
Loutre d'Europe (Lutra lutra)
© Franck Merlier - CC BY NC SA
La présence de la loutre d’Europe ou du putois, des mammifères menacés et protégés, est aussi avérée sur le site.
Les résultats déjà très significatifs sur les poissons migrateurs, les nombreux suivis et l'atlas de la biodiversité communale de Plougoumelen confirment l'effet de ces travaux sur la restauration des milieux aquatiques sur la biodiversité.
Un comité de suivi post-effacement rend compte de ces évolutions. Le suivi morphologique porté par l’Office français de la biodiversité sur sept ans après les travaux se poursuit. Des suivis piscicoles sont réalisés annuellement par la fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique. Un suivi sur la végétation a été lancé par le conseil départemental. Les inventaires de faune et de flore, qui font intervenir divers experts, ont aussi été réalisés en lien avec l’atlas de biodiversité communale de Plougoumelen (le premier dans le Morbihan), avec la participation d’associations et de riverains.
Une action exemplaire qui sert de vitrine
Le projet a abouti grâce à une large concertation et des objectifs partagés, une méthodologie de projet adaptée aux difficultés techniques et aux contraintes du site, et des outils de communication à la hauteur de ce projet ambitieux.
Le site internet dédié au projet, outil de référence pour l’information du public, présente le projet, son suivi, des vidéos explicatives et par drone, des time-lapse (animation vidéo à partir de photos) et des photos durant les travaux. Cette démarche sert d’exemple pour d'autres effacements de barrages en France, en Europe voir au-delà.
Le site, transféré au département du Morbihan et dorénavant ouvert au public, est désormais intégré dans l’espace naturel sensible du Bois de Pont-Sal. Une passerelle va être construite pour prolonger et connecter plusieurs chemins de randonnée : cela améliorera l’accès à la nature et ainsi la qualité de vie pour les habitants et les touristes.
Jacques Mourin
© J. L. Aubert - Aelb
« Ce qui est marquant c’est qu’on se trouve au début de la zone d’estuaire, où la marée remonte : on voit facilement des poissons migrateurs amphihalins, comme les mulets, en se promenant sur le site. Ces zones d’interface sont toujours riches en biodiversité. Tout au long de ce projet, le dialogue administratif, technique et politique a été remarquable. Et nous mettons en avant cette démarche pour d’autres effacements de barrages qui n’ont plus d’usage sur les cours d’eau, lorsque cela est envisagé. Les études se font alors au cas par cas avec différentes propositions adaptées, c’est toujours le propriétaire qui choisit une des solutions possibles. »
Jacques Mourin, agence de l’eau Loire-Bretagne