L’Anse de Moidrey, un ilot de biodiversité aux portes du Mont Saint Michel
Ancien méandre de l’estuaire du Couesnon, l’Anse de Moidrey à la frontière entre la Manche et l'Ille-et-Vilaine, bénéficie des opérations de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel. Le conservatoire des espaces naturels Normandie et le syndicat mixte Baie du Mont Saint-Michel s'associent pour restaurer des zone humides, augmenter le stockage d’eau et améliorer son potentiel de biodiversité.
juin 2021
© S. Robert / Agence de l'eau Loire-Bretagne
Une première tentative de valorisation de la biodiversité
Au niveau de la zone maritime, la basse vallée du Couesnon constitue un paysage de polders où l’agriculture légumière très intensive est peu propice à l’accueil de la biodiversité. Les travaux pour rétablir le caractère maritime du Mont Saint-Michel ont offert l’opportunité de recréer une zone tampon naturelle au cœur de cet espace.
Entre 2005 et 2015, d’importants travaux d’aménagement sont effectués au niveau de l’Anse de Moidrey située dans la commune de Pontorson (50). De nombreux chenaux et des prairies humides sont créés afin de constituer une annexe hydraulique permettant de stocker et de relarguer de l’eau pour désensabler le Mont Saint-Michel.
Un nouvel élan pour restaurer le site
Entre 2019 et 2020, dans le cadre de l’appel à initiatives « Biodiversité » de l’agence de l’eau Loire-Bretagne, des travaux de gestion et de restauration sont entrepris. Il s’agit de développer le potentiel d’accueil en biodiversité du site en poursuivant les travaux initiés avant 2015. Les enjeux biologiques et hydrauliques sont toujours d'actualité. Une part importante est consacrée à la sensibilisation du public local comme de passage. Les opérations se déroulent en trois étapes :
- synthèse des connaissances et programmation des travaux,
- mise en œuvre d’une gestion durable et partagée du site,
- mise en valeur du site pour aider le public à s'approprier les enjeux « Biodiversité ».
juin 2021
© S. Robert / Agence de l'eau Loire-Bretagne
La restauration consiste à entretenir certaines mares et chenaux en cours d'atterissement : réouverture du milieu par enlèvement de saules, amélioration de la mise en eau par surcreusement.
Ce site d'une centaine d'hectares sert dorénavant de filtre favorable à la qualité des eaux du Couesnon qu'il jouxte. Il fait maintenant partie d’un ensemble d’espaces naturels organisés le long du fleuve qui constituent un corridor écologique remarquable de la trame verte et bleue, directement connecté à la frange côtière. Il est inclus dans de nombreux zonages de protection et de connaissance des espaces naturels remarquables comme :
- les sites Natura 2000 (habitats et espèces représentatives de la biodiversité européenne) de la baie du Mont Saint-Michel,
- des ZNIEFF I et II (zones naturelles d'intérêt écologique floristique et faunistique),
- un site Ramsar (zone humide d'importance internationale).
juin 2021
© S. Robert / Agence de l'eau Loire-Bretagne
Pour rendre accessible cet espace de biodiversité un circuit pédestre de sept kilomètres, agrémenté de panneaux d’interprétation, est créé autour de l’Anse de Moidrey. Il invite à la découverte de ce riche patrimoine.
Ce projet, dont le montant s’élève à 130 000 euros, bénéficie d'une subvention de l’agence de l’eau Loire-Bretagne de 80 %.
« Le travail préalable de synthèse des enjeux écologiques vis-à-vis du contexte local et régional, a permis de dimensionner correctement les opérations d’entretien et restauration nécessaires sans être trop interventionniste. Le retour d’un pâturage extensif permet une diversification des habitats et est très bien perçu par les riverains et les visiteurs. »
Audrey Hemon, chargée de mission Environnement à l'établissement public du Mont-Saint-Michel
De nombreuses espèces s'installent
Ces aménagements permettent de restaurer et de conserver les habitats naturels favorables à de nombreuses espèces d’intérêt patrimonial comme le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), un amphibien rare et menacé pour lequel l'anse de Moidrey constitue un bastion dans le Sud de la Manche. Il vit en compagnie d'autre amphibiens et reptiles dont le Triton poncuté (Lissotriton vulgaris) et la Couleuvre à collier (Natrix helvetica).
Les oiseaux ne sont pas en reste car le site est devenu une zone de nidification pour de nombreuses espèces notamment dans les prairies ou dans les roselières qui se sont installées dans les chenaux. On peut citer le Pipit farlouse (Anthus pratensis), la Rousserolle effarvate (Acrocephalus scirpaceus), la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) ou encore la Cisticole des joncs (Cisticola juncidis). En migration, le très rare Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) utilise également l'Anse de Moidrey comme site de halte migratoire.
La diversité des habitats naturels permet le développement d’une flore caractéristique. Les mares d’eau douce hébergent notamment des herbiers aquatiques à characées et une végétation des vases exondées. Les chenaux saumâtres sont colonisés par des espèces de mégaphorbiaie, de roselière, de scirpaie, voire de pré-salé. Sur les secteurs les plus hauts, s’exprime une prairie mésophile de fauche, tandis que des groupements hygrophiles se trouvent dans les dépressions plus humides : prairie inondable à Eleocharis palustris et Oenanthe fistulosa, prairie inondable à Pulicaria dysenterica et Juncus inflexus où se développe notamment l’orchis négligé (Dactylorhiza praetermissa).
Un site suivi et géré pour conserver ses richesses
Pour pérenniser ces milieux et notamment maintenir des habitats ouverts, le site s'ouvre à l’activité agricole avec en particulier une opération de fauche annuelle de la prairie. En complément le pâturage, historiquement présent, est réinstauré depuis 2021 sur une grande partie du site, avec des bovins et des chevaux. Ces modalités d’entretien durable des prairies participent également à la réappropriation du site par les riverains. Les différentes interventions d’entretien sont réalisées en fonction des enjeux biologiques et notamment du cycle de vie des espèces présentes : pression de pâturage limitée, pas d’intrants, dates de fauche tardives…
Depuis 2005, le site fait l’objet de nombreux suivis écologiques : fonctionnement hydraulique, flore, amphibiens, oiseaux et invertébrés sont au cœur des préoccupations. Les résultats permettent d’ajuster la gestion ou de réaliser des aménagements complémentaires si nécessaire. De nombreux partenaires et prestataires sont ainsi amenés à intervenir sur le site et apportent chacun leur expertise : associations naturalistes régionales (groupe d'études des invertébrés armoricains, Bretagne vivante, groupe ornithologique normand, CPIE du Cotentin), bureaux d’études (Biotope, Idra bio et littoral, P. Stallegger…).
Le syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel intègre le 1er août 2021 l'établissement public du Mont-Saint-Michel.